Petit historique de l’impression 3D
Publié le 21 juin 2013La popularité actuelle des imprimantes 3D personnelles et le relais récent des médias laissent supposer que l’impression 3D en est à ses balbutiements. Il n’en est rien. L’impression 3D existe en réalité depuis environ 25 ans. Elle est longtemps restée cantonnée à un usage industriel très spécialisé, d’abord employée à des fi ns de prototypage et d’outillage rapide. Cette entrée par la petite porte lui a permis de faire ses preuves, tranquillement mais sûrement.
La toute première imprimante 3D, la SLA-250, a été lancée fi n 1988 par ce qui était alors une très jeune entreprise, 3D Systems, fondée en 1986 par l’ingénieur Chuck Hull, auteur d’une soixantaine de brevets dans le domaine du prototypage rapide . Le procédé utilisé était la stéréolithographie, technique qu’il a mise au point et brevetée en 1984. À cette époque, l’expression « impression 3D » n’existe pas encore. Chuck Hull parle de stereolithography
apparatus, qui désigne un système de fabrication par couches successives utilisant un matériau sensible aux rayons ultraviolets. L’imprimante remporte d’emblée un franc succès dans le monde industriel. 3D Systems est d’ailleurs à l’origine du STL (Standard Tessellation Language), un format de fi chier devenu depuis le standard pour l’impression 3D.
À la même époque, comme souvent dans l’histoire des techniques, d’autres inventeurs mettent au point des procédés de fabrication additive. En 1988, Scott et Lisa Crump créent l’entre- prise Stratasys. Ils sont alors en plein développement du procédé FDM (Fused Deposition Modeling) qui sera breveté l’année suivante. La société lance sur le marché ses premières imprimantes basées sur cette technique, qui permet de déposer le matériau liquéfi é couche par couche grâce à une tête d’extrusion qui se déplace. La FDM donnera plus tard naissance aux imprimantes personnelles.
Il faut ensuite attendre 1993 pour voir apparaître le procédé 3DP (Three Dimensional Printing), mis au point au MIT (Massachussets Institute of Technology). Il est assez proche de la technique employée pour les imprimantes 2D à jet d’encre : une glue est projetée sur une surface de poudre pour former peu à peu l’objet. En 1995, l’entreprise Z Corporation obtient du MIT le droit d’utilisation exclusif du procédé 3DP et débute le développement de ses imprimantes, destinées uniquement au monde industriel.
« Fabrication additive » ou « impression 3D » ?
Ces deux expressions synonymes qualifi ent l’ensemble des techniques de fabrication couche par couche. La dénomination « fabrication additive » (additive manufacturing ou AM), utilisée par les grands noms historiques du secteur, est aujourd’hui principalement associée au monde industriel. Elle désigne l’ensemble des procédés de fabrication par ajout de matière, qui regroupe sept types de tech- niques : l’extrusion de matière, la projection de matière, la projection de liant, la lamination de papier, la photopolymérisation, la fusion de lit de poudre et le dépôt d’énergie dirigée.
Plus récente, la formulation « impression 3D » a été popularisée par les médias avec l’émergence d’ac- teurs comme MakerBot ou Bits from Bytes , et de services d’impression 3D en ligne comme Sculpteo ou Shapeways. Elle est plutôt réservée aux applications grand public.
1996 est une année charnière pour le monde naissant de l’impression 3D. Trois impri- mantes majeures sont alors lancées sur le marché : la Genisys de Stratasys, l’Actua 2100 de 3D Systems et la Z402 de Z Corporation. Pour la première fois, elles sont qualifi ées d’« imprimantes 3D », et l’expression commence à entrer dans le langage courant pour parler de ce type de machine de prototypage rapide. Puis en 2005, la Spectrum Z510 de Z Corporation voit le jour. C’est la première imprimante 3D capable de fabriquer des objets directement en couleurs.
Pendant dix ans, de 1996 à 2006 environ, les constructeurs vont mettre au point d’autres modèles, améliorer et développer de nouveaux procédés. Les imprimantes 3D sont de plus en plus utilisées pour le prototypage rapide et la production de petites séries , mais tout en restant cantonnées au domaine industriel.
Dates clés de l’histoire de l’impression 3D
- 1952 : Kojima démontre les avantages de la fabrication par couches superposées.
- 1967 : Swainson dépose un brevet aux États-Unis pour un système de durcissement de résine par double rayon lumineux.
- 1981 : Kodama publie trois méthodes de solidifi cation holographique.
- 1982 : Chuck Hull mène des recherches sur la stéréolithographie.
- 1984 : Chuck Hull dépose le brevet 4575330 d’utilisation de la stéréolithographie.
- 1986 : Création de 3D Systems. D’autres acteurs entrent en jeu.
- 1987 : Le prototypage rapide devient une réalité commerciale.
- 1989 : Lancement de Stratasys et des premières imprimantes FDM.
- 1990 : La fabrication additive est utilisée pour la réalisation de moules.
- 1995 : Z Corporation lance les premières imprimantes 3DP.
- 1996 : Premières mentions des machines industrielles comme « imprimantes 3D ».
- 2000 : La fabrication additive est utilisée pour des pièces de production.
- 2007 : Création de Shapeways aux Pays-Bas.
- 2009 : Création de MakerBot Industries et lancement de la MakerBot Cupcake CNC. Lancement de Sculpteo en France.
- 2011 : 15 000 imprimantes 3D sont vendues (environ 40 modèles disponibles).
- 2012 : 45 000 nouvelles machines sont vendues.
- Source : « Putting 3D Printing into the Value Stream », Econolyst, octobre 2012.
L’idée de rendre accessible cette technologie aux particuliers fait peu à peu son chemin chez certains acteurs. Plusieurs entreprises émergent de cette vision, principalement en Europe. En 2007, les Néerlandais Peter Weijmarshausen, Robert Schouwenburg et Marleen Vogelaar créent Shapeways, un service en ligne d’impression 3D ouvert aux particuliers. En France, Éric Carreel, Clément Moreau et Jacques Lewiner fondent Sculpteo en 2009 et développent des outils web qui simplifi ent l’ensemble du processus d’impression 3D pour l’utilisateur amateur.
En parallèle, d’autres acteurs s’investissent dans le domaine des imprimantes 3D person- nelles. Né dans le monde de la recherche et de l’open source, le projet RepRap mené par Adrian Bowyer voit le jour en 2005 à l’université de Bath au Royaume-Uni. Il s’agit de la première imprimante 3D autoréplicante – elle peut imprimer ses propres pièces –, qui s’ap- puie sur une technologie très similaire au procédé FDM. Le premier modèle opérationnel, la Darwin, est disponible en 2007. Il est entièrement open source, ce qui permet à beaucoup d’utilisateurs passionnés de le reproduire et de l’améliorer.
Aujourd’hui, le marché de l’impression 3D est en pleine expansion et semble même atteindre une phase de transition historique. En avril 2012, les entreprises Stratasys et Objet ont fusionné et sont devenues le pure player de l’impression 3D le plus coté au monde, à 1,4 milliard de dollars. Autre chiff re saisissant, le marché des imprimantes 3D personnelles est passé de 355 unités vendues en 2008 à 23 265 en 2011. Les médias se sont aussi emparés du phénomène et continuent d’attirer l’attention sur cette technologie, de plus en plus connue du grand public. Les procédés d’impression se sont améliorés, les matériaux disponibles se sont multipliés, et le prix des machines a drastiquement chuté. Pour moins de 500 €, il est désormais possible de s’équiper d’une imprimante 3D personnelle off rant de bonnes performances.
Cette technologie semble sans limite et c’est ce qui la rend à la fois fascinante et effrayante… D’un côté on a toutes les dérives possibles dù à sa mauvaise utilisation et de l’autre des progrès considérables dans certains domaines, je pense par exemple à la construction. Récemment un chercheur américain du nom de Behrokh Khoshnevis a mis au point une technique pour imprimer une maison entière plomberie et électricité comprise… ça laisse quand même rêveur…
@Mathieu : plomberie et elec ? Et puis quoi, cuisine équipée et frigo aussi?
C’est marrant, de lire des journalistes qui parlent des imprimantes 3D, tout mes potes pensent que je peux mettre du chocolat, du titane ou faire des chaussures dans mon imprimante…
La moitié me demande si j’ai imprimé un flingue et le quart me regardent comme un extraterrestre. L’autre quart est persuadé que c’est tout nouveau !
CDT
Petit rappel. Savez-vous que la stéréolithographie a été inventée et brevetée en France ? C’est une équipe constituée d’Alain le Méhauté (Alcatel), Olivier de Witte (Cilas) et Jean-Claude André (CNRS) qui l’a brevetée, en 1984. Cilas a rapidement abandonné ces brevets, jugeant que l’invention n’aurait pas d’avenir. Elle a pourtant fait la fortune de l’américain Chuck Hull et de son entreprise, 3D Systems, qui a mis sur le marché en 1986 le premier d’une longue série de produits professionnels, suivis aujourd’hui par des imprimantes 3D grand public.
Franck Barnu
J’ai lu sur un article « Elles [les RepRap] ont pu naître parce que le principal brevet déposé par l’inventeur Charles Hull avait expiré »
(http://www.numerama.com/magazine/26574-impression-3d-une-technologie-amelioree-sera-libre-debut-2014.html)
Est-ce qu’on connait le brevet, sa date et la date d’expiration ?
Si on parle de stéréolithographie, ce n’est pas la même technique que la FDM
« Ce procédé [FDM] a été inventé par Scott Crump à la fin des années 80 pour voir la première sortie commerciale du procédé en 1991. »
Bref, il serait intéressant d’avoir la bonne version.
bonjour, dans vos dates clés, vous parlez d’un kojima. Mais qui est-il? je n’ai rien trouvé sur lui sur le net.. merci de m’éclairer